Dans la nature, l’alimentation de l’octodon varie en fonction des saisons. Purement herbivore, celui-ci a une tendance folivore, il consomme principalement des tiges et des feuilles. Il mange aussi des fruits, racines et écorces, qu’il trouve durant ses explorations en dehors des terriers. En captivité, celui-ci est sensible à divers problèmes de santé. Cependant, une bonne alimentation permet d’éviter facilement cela. Malheureusement, la plupart des mélanges vendus spécialement pour l’espèce sont inadaptés, car riches en sucres et en graisses. Ces mélanges sont donc bien loin de leurs habitudes dans la nature.

L’alimentation de l’octodon au naturel
Un rongeur sélectif
Si à l’état naturel, l’Octodon degus passe une grande partie de sa journée à explorer pour manger, ce comportement est dicté par des besoins simples. La recherche de graines et de plantes occupe ainsi les octodons dans le but de créer des réserves ou de grignoter sur place. Mangeant principalement des ressources trouvées au sol, l’octodon consommera les herbes et racines qu’il croise. Le dègue du Chili a tendance à se limiter aux environs de son terrier quand il y trouve la nourriture en abondance. Il pourra parfois grimper dans des arbustes pour dévorer fruits, feuilles et écorces. Plusieurs plantes seront impactées par son appétit vorace, comme l’écorce du Cestrum paqui ou du Mimosa cavenia01. On pourra aussi repérer Erodium cicutarium, des feuilles de Proustia cuneifolia, Atriplex repunda, ou encore les fruits d’aubépines et les graines de chardons de types Agertum. Il peut également consommer d’autres végétaux locaux comme Porlieria chilensis, Colliguaya odorifera, Kageneckia oblonga et Quillaja saponaria, P. pungens. Lithraea caustica, Chenopodium petiolare et Nassella pubi02.
Une alimentation variée et complète

Une étude scientifique poussée sur l’alimentation des Octodons degus indique que s’il se nourrit principalement d’herbes et de plantes herbacées, il mange partiellement de l’acacia pendant les mois secs (janvier-avril). Cela coïncide avec les périodes où les tissus conducteurs du feuillage et des arbustes sont les plus importants. Il est également possible que cette consommation soit liée aux besoins en eau, à la saison sèche. Cependant, les graines constituent une part importante du régime d’O. degus, surtout à la fin du printemps (novembre, 63,1 %) et de l’été jusqu’à l’automne (décembre-avril, 29,3 à 60,0 %). Les graines d’arbustes deviennent disponibles principalement pendant les mois secs après la floraison. Les autres semences sont probablement présentes sur le sol après l’arrêt de la croissance des herbacées. Cela représente un grand réservoir d’énergie, en particulier pour les jeunes dègues, qui semblent préférer les graines de graminées03.
Comportements et adaptations alimentaires
Sa manière de s’alimenter dépend des saisons et du climat. Lorsque l’octodon se nourrit de feuilles, il préfère manger les jeunes pousses, que les plus matures. Probablement pour ses besoins en eau et protéines, qui disponibles en plus grande quantité. De plus, s’il peut choisir, il consomme des plantes à haute teneur en protéines et faible teneur en fibres04. L’Octodon degus recherche un apport en azote conséquent, cela détermine, quand il lui est possible, sa sélection d’aliments. Certains scientifiques montrent que, si l’octodon réside dans un habitat très végétalisé, c’est un « désert vert », car il ne se nourrit que de végétations spécifiques05.
L’octodon s’adapte en fonction des conditions climatiques, en faisant des stocks de graines plus ou moins importantes. Ainsi, les octodons vivant à des altitudes plus élevées ont tendance à stocker un peu plus de nourriture que ceux des climats plus doux06, mais ils disposent surtout de plus de réserves. Cependant, si la masse de graine accumulée varie, la quantité mangée par chaque octodon n’est pas significativement différente. En effet, les octodons d’altitude sont souvent plus petits et consomment donc moins que les autres.
Rôle écologique

L’octodon degus est une espèce que l’on peut retrouver dans plusieurs types de milieux, que ce soit, des montagnes, milieux matorrals, forêts, ou encore des plaines. Il s’adapte aux climats variés que propose le Chili, ayant colonisé une importante partie de ce pays. Le Chili ne comptant pas de grands herbivores natifs, bien que les chèvres aient été introduites, l’octodon joue un rôle majeur dans cet écosystème. Il reste le rongeur le plus commun. Que ce soit son comportement alimentaire, ses déplacements, ses réserves de graines ou la manière dont il aménage son terrier, tous ces comportements ont un impact dans son environnement.
Ensemencement et dispersions des végétaux
Les végétaux tels que le feuillage représentent 60% de sa nourriture à l’état sauvage. Il consomme essentiellement les jeunes feuilles qui poussent dans son voisinage proche. Malheureusement, cela réduit le couvert herbacé, impliquant une plus grande hétérogénéité des végétaux, quelquefois au profit de plantes indigènes. Les graines font aussi partie de son alimentation, bien qu’elles ne soient pas sa source principale de nourriture. Avec la dispersion des graines qu’il effectue07, il contribue à l’ensemencement naturel des plantes. Lors de ses activités, il les disperse généralement dans un rayon de 12 m. C’est grâce à ses chemins, empruntés à répétition, qu’il crée des zones de dissémination tout autour de son terrier et de la végétation. De plus, les amas de branches et de brindilles autour de ses repaires proposent une litière propice au développement de certaines herbacées.

Impact de l’Octodon degus
Dans un milieu matorral en bonne santé, l’Octodon degus n’aura pas une influence négative à long terme. S’il peut restreindre la croissance de certains arbustes, cela n’aura pas de conséquence importante sur l’ensemble de l’écosystème. En effet, ce comportement est limité aux jeunes pousses autour du terrier. Il participera à la dispersion de la végétation, via leurs graines et fruits, sans pour autant favoriser l’implantation d’une espèce. De plus, il ne montre pas de préférences pour installer son repère sous une plante en particulier, mais prendra compte du couvert herbacé08, ce qui évite la consommation d’une seule sorte de buissons.
Dans les milieux les plus arides, l’octodon sera plus dépendant des sources de nourriture vivaces. Ses déjections offrent une ressource de nutriments importante aux sols. Cela permet à certaines plantes annuelles nécessitant des terres riches de s’établir, comme pour Moscharia pinnatifida. Enfin, grâce à son système digestif si particulier, l’Octodon degus est en capacité d’assimiler de fortes concentrations de cellulose. Or, certaines plantes utilisent cela comme défense contre les herbivores, comme c’est le cas pour beaucoup d’arbustes. C’est pour cela que la plupart des végétaux éphémères ne sont pas consommés par O. degus09, mais uniquement transportées pour se semer sur le chemin.

Il est intéressant de constater que l’Octodons degus vit en relation avec plusieurs espèces de rongeur, dont Abrocoma bennettti, qui est très proche de lui dans son comportement alimentaire. Cependant, ces cohabitations forcées ne semblent pas créer une compétition alimentaire.02 Dans certaines régions, il croise également Akodon olivaceus, Abrothrix longipilis et Phyllotis darwini, sans pour autant établir de concurrence alimentaire claire avec ces espèces.
Impacts humains

Une étude à long terme sur le régime alimentaire des rongeurs et leur impact environnemental a été menée dans une zone de broussailles épineuses arides, au parc National Bosques de Fray Jorge. Les précipitations y sont faibles et la couverture végétale au printemps est dominée par des arbustes (59,6 %) plutôt que par des herbes et des graminées (21,7 %). La consommation de feuillage herbacé est minime, sauf en septembre et novembre (45,8-73,3 %), et les graines de graminées n’ont jamais dépassé 6,9 % du régime alimentaire des octodons. En revanche, le feuillage des arbustes constituait une source de nourriture tout au long de l’année (44,6 % contre 18,7 % à La Desha). Un des principaux arbustes présents, Chenopodium petiolare, est une plante vivace au feuillage persistant. Elle fournit probablement de l’humidité pendant les mois les plus secs. Les octodons habitent rarement des habitats dépourvus de cachettes, comme les arbustes ou rochers. Mais on le retrouve maintenant dans les prairies dégradées. En effet, le surpâturage, le brûlage et le forage du combustible ont favorisé l’invasion d’arbustes tels que Acacia caven, Lithraea caustica, Puya sp et Baccharis sp. Si le régime alimentaire des dègues comprend diverses espèces, la plupart de ces plantes ne sont pas consommées par le bétail. Ainsi, leur présence dans ces zones agricoles marginales semble plus être une conséquence des perturbations liées à l’homme.10
Un milieu à sauvegarder
Le dègue a donc un rôle important son habitat, qu’il entretient via ses habitudes de consommation. Les espèces indigènes, comme le lièvre ou la chèvre, ont un impact négatif sur ces milieux fragiles et sur les octodons. De nombreuses plantes étrangères ont également pu s’établir dans ces environnements. De plus, l’expansion urbaine, et la pollution tendent à réduire la population d’octodons présents dans ces régions. Or ces milieux sont très dépendants de leurs écosystèmes et donc de leurs petits habitants. Créer des réserves naturelles, surveillées et gérées de manière écologique est devenu indispensable pour sauvegarder les octodons et leur milieu naturel.
Sources
- Mammalian Species – Octodon degus[↩]
- Comparative Ecology of the Caviomorph Rodent Octodon degus in Two Chilean Mediterranean-type Communities [↩][↩]
- Feeding Ecology of Two Chilean Caviomorphs in a Central Mediterranean Savanna[↩]
- Nutrition and Behavior of Degus (Octodon degus)[↩]
- Diet selection in captivity by a generalist herbivorous rodent (Octodon degus) from the Chilean coastal desert[↩]
- Inter‐Population Variation in Hoarding Behaviour in Degus, Octodon degus[↩]
- Predators and dispersers: Context-dependent outcomes of the interactions between rodents and a megafaunal fruit plant[↩]
- Food preferences by Octodon degus (Rodentia caviomorpha): Their role in the chilean matorral composition[↩]
- Effects of Small Mammals and Vertebrate Predators on Vegetation in the Chilean Semiarid Zone[↩]
- Long-term research in Bosque Fray Jorge National Park: Twenty years studying the role of biotic and abiotic factors in a Chilean semiarid scrubland[↩]