L’Octodon degus est un animal originaire du Chili, encore peu connu il y a quelques années. Pour découvrir davantage nos compagnons, nous devons nous intéresser à leur environnement naturel, ainsi qu’à leur comportement à l’état sauvage. Depuis quelques années, des scientifiques l’étudient pour comprendre ses caractéristiques. Grâce à ces informations précieuses, nous pouvons mieux traiter l’Octodon degus en captivité.
Histoire de l’Octodon degus
Si l’octodon habite au Chili depuis longtemps, c’est le scientifique Juan Ignacio Molina qui le décrit en premier en 1782, comme Sciurus degus01. S’en suit à partir du XIXème siècle, de nouvelles désignations des Octodontidaes, avant que G. R. Waterhouse ne le nomme comme Octodon degus en 1848. En 1967 sont découverts des octodons albinos, et de rares autres variations de robes sont observées par la suite. En 1927, J. A. Wolffsohn présente l’Octodon degus clivorum, comme une sous-espèce d’altitude. Cependant, celle-ci n’est pas reconnue et laisse l’Octodon degus considéré comme une espèce monotypique.
Ce n’est qu’à partir du milieu du XXème siècle que l’Octodon degus, ainsi que les différents genres d’octodons sont plus largement étudiés, sur sa distribution géographique (Osgood, 1943) ou son anatomie (Mann, 1940)01. À ce jour, l’Octodon degus est l’objet d’études scientifiques, permettant ainsi de mieux comprendre cette espèce. L’Octodon degus est observé notamment pour sa sensibilité au diabète et à la maladie d’Alzheimer02 mais aussi son comportement social complexe.
Répartition géographique
Bien qu’il soit une espèce endémique du Chili03, l’Octodon degus habite en réalité une partie de la cordillère des Andes. Il est présent également en Argentine et dans quelques autres pays limitrophes. Les autres espèces d’octodons sont présentes au Chili. Naturellement, celles-ci partagent leurs territoires, même si à ce jour, aucune reproduction, interespèce n’est observée. Toutefois, on peut noter que l’Octodon pacificus est le seul à ne pouvoir visiter ses cousins du continent, peuplant exclusivement une île. Les octodons sont de vieux résidents du Chili, en effet, des squelettes datés au carbone 14 ont été identifiés dans des sites de fouille. Cela permet de montrer que ce rongeur était présent au Chili déjà 200 ans avant J. C04.
Tout en restant le mammifère le plus commun du centre du Chili01, à cause de l’activité humaine, les populations d’octodons tendent à se réduire05. De plus, l’Octodon pacificus, considéré comme une espèce éteinte dans plusieurs régions, serait encore en vie sur l’île Mocha, grâce à la découverte du corps d’une femelle06. Cependant, les locaux, en luttant contre les rats et souris qui sont invasifs, utilisent du poison pour les tuer. Ce poison est à l’origine du décès de la femelle retrouvée sur place, indiquant que les octodons ont tendance à en consommer.
Habitat
Terriers
L’octodon est un animal diurne, à tendance crépusculaire, avec des pics d’activités le matin et le soir. Il vit dans des terriers, composés de plusieurs tunnels et chambres, ainsi que de nombreuses entrées. Ces repaires sont à la fois des refuges et des lieux de vie, le territoire même de chaque clan01, souvent installés autour de buissons. On peut également retrouver des tas de branches ou des bouses de vaches, permettant de camoufler les passages. Ces derniers peuvent être bouchés par des brindilles et autres matériaux en cas d’alerte07.
Paradoxalement, de petits monticules sont construits près de certaines entrées, dont la fonction fait encore débat. Il pourrait s’agir d’un moyen pour les mâles d’asseoir leur domination sur les clans voisins01. Les monticules détruits pourraient alors faire perdre le rôle social de l’individu l’ayant construit, qui doit les recréer au plus vite.
Rongeur très sociable, il partage même son terrier avec d’autres espèces, comme la famille des Ctenomys08, ou l’Abrocoma bennettii04.
Prédation
L’Octodon degus est un petit rongeur soumis à de multiples dangers. Les prédateurs sont nombreux dans son habitat et ont un impact fort sur sa population09 ainsi que sur son comportement. On retrouve ainsi les renards de Magellan, mais également plusieurs oiseaux, notamment les chouettes effraie, hiboux des marais et les buses aguia10. Cependant, l’Octodon degus n’est pas une proie facile, car il adopte des conduites sociales pour éviter la prédation11. Il se regroupe alors, avec quelques individus permettant une surveillance plus poussée12. Selon le couvert herbacé13 l’octodon s’adapte aux risques, mais cela est aussi un handicap à vision des alentours.
Comportement
Vie sociale
Rongeur grégaire par excellence, l’octodon vit en groupe, composé de quelques femelles et jusqu’à 2 mâles. Il se rassemble en colonies plus importantes, habitant côte à côte dans leurs multiples terriers. L’octodon degus a tendance à migrer vers d’autres clans14, sans montrer de philopatrie. Ainsi, les communautés seraient assez instables, changeant régulièrement de membres.
L’octodon degus est un animal avec de nombreux comportements sociaux et ayant un « vocabulaire » à part entière, grâce à ses cris. Très expressif, il sait se faire entendre et communique avec ses compères. Leurs vocalises peuvent être regroupées en 15 catégories distinctes15, toutes ayant des fonctions définies. Que ce soit pour avertir d’un danger, pendant des bagarres entre congénères, contacts entre adultes, détresse des jeunes octodons ou bien annoncer un futur heureux événement, ces sons sont complexes et certains ne sont pas encore compris.
Les interactions entre octodons ne sont pas toutes vocales. La plupart d’entre elles passent des phases de toilette mutuelle. La reconnaissance par les « bisous » est également un des comportements les plus observés chez cette espèce. De plus, les octodons ont aussi tendance à se poursuivre, dans un but de jeu ou de confrontation, à se grimper l’un sur l’autre (sans reproduction) ou alors à dormir en groupe. De manière générale, les femelles recherchent plus d’interactions, notamment pendant les périodes de lactations16.
Alimentation
L’Octodon degus est un animal herbivore, à tendance folivore. Il mange principalement des feuilles et tiges de plantes. Son alimentation reste toutefois variée, car il peut grimper dans les arbres. Ainsi, il accède aux écorces et fruits. Les racines et graines sont également une part importante de son régime naturel. Il participerait ainsi à la dispersion de multiples espèces grâce à leurs graines17. De temps à autre, il mange quelques insectes qui traînent. Quand ils se nourrissent, les octodons doivent sortir du terrier et traverser un terrain plein de danger. L’octodon se déplace ainsi d’aire en aire, jusqu’à épuisement des ressources (plantes, arbustes).
Reproduction
Accouplement
La femelle degus donne naissance 2 fois par an dans la nature, avec une moyenne de 5 bébés par portée. La reproduction est induite par son rythme circadien, elle dépend donc de la luminosité, mais est affectée par d’autres paramètres18. Si Thomas Bridge (1843) a d’abord rapporté un accouplement bisannuel, G. W. Fulk (1975) montre que, dans les zones nord de son aire de répartition, la mise bas peut se faire jusqu’en septembre, augmentant le nombre d’accouplement dans l’année. Les pics de portées à l’état sauvage restent cependant aux alentours de l’été, avec des records entre juillet et août. Parmi les rongeurs, il s’agit de l’espèce ayant une des plus longues gestations. En effet, ce n’est pas moins de 90 jours (3 mois) qui sont nécessaires à la femelle avant d’arriver à terme, soit l’équivalant du guépard ou de la panthère !
Portées
Les femelles peuvent s’occuper de plusieurs portées en même temps, sans prendre en compte leur âge ni leur provenance19. Mais elles savent toutefois reconnaître leur propre progéniture20. Cependant, les pères ne sont pas en reste et s’impliquent également auprès des jeunes, même s’ils ont tendance à vouloir dominer les petits et limitent les jeux21. Les cas d’infanticides chez les Octodons degus sont quasiment inexistants dans la nature22 mais sont parfois observés en captivité. De plus, il n’est rare de croiser une autre espèce de rongeur partageant son terrier sans que cela gêne les octodons08.
Les bébés naissent avec leurs poils, les yeux presque ouverts et commencent à se déplacer au bout de quelques heures. Avec leur moyenne de 14 g le premier jour, ils sont déjà capables, contrairement aux ratons et souriceaux, de contrôler leur température corporelle. Sevrés aux alentours de 8 semaines, ils sont actifs sexuellement entre 2 et 9 mois selon les individus01.
Sources
- Octodon degus Charles A. Woods and David K. Boraker[↩][↩][↩][↩][↩][↩]
- The long-lived Octodon degus as a rodent drug discovery model for Alzheimer’s and other age-related diseases[↩]
- Degu rodent[↩]
- UN NOUVEL ANIMAL DE COMPAGNIE : L’OCTODON, OCTODON DEGUS[↩][↩]
- Holocene distribution of Octodontid rodents in central Chile[↩]
- Degú de isla Mocha[↩]
- Spontaneous construction of “Chinese boxes” by Degus (Octodon degu): A rudiment of recursive intelligence?[↩]
- On the Genus Octodon, and on its Relations with Ctenomys, Blainv., and Poephagomys, F. Cuv.: including a Description of a New Species of Ctenomys[↩][↩]
- Effects of vertebrate predation on a caviomorph rodent, the degu (Octodon degus), in a semiarid thorn scrub community in Chile[↩]
- Notes on the Activity, Reproduction, and Social Behavior of Octodon degus[↩]
- Microhabitat Use by a Small Diurnal Rodent (Octodon degus) in a Semiarid Environment: Thermoregulatory Constraints or Predation Risk?[↩]
- Grouping increases the ability of the social rodent, Octodon degus, to detect predators when using exposed microhabitats[↩]
- On the Relationship between Herbaceous Cover and Vigilance Activity of Degus (Octodon degus)[↩]
- Instability Rules Social Groups in the Communal Breeder Rodent Octodon degus[↩]
- VOCALISATIONS OF THE DEGU OCTODON DEGUS, A SOCIAL CAVIOMORPH RODENT[↩]
- Reproductive correlates of social network variation in plurally breeding degus (Octodon degus)[↩]
- Estructura y densidad poblacional de Octodon degus Mol.[↩]
- Octodon Degus: an Animal Model That Benefits Translational Medicin[↩]
- Lactating Females Do Not Discriminate Between Their Own Young and Unrelated Pups in the Communally Breeding Rodent, Octodon degus[↩]
- Mother–offspring recognition in communally nesting degus, Octodon degus[↩]
- Contact-promoting behavior, social development, and relationship with parents in sibling juvenile degus (Octodon Degus)[↩]
- No infanticide in the hystricognath rodent, Octodon degus: does ecology play a role?[↩]